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Choisir entre se nourrir et se déplacer
Sans trop nous en apercevoir, parce que nous les vivons quotidiennement, nous sommes les témoins de changements importants qui vont inévitablement et profondément peser sur notre mode de vie dans les prochaines années.
D’une part, une flambée spectaculaire du prix mondial des céréales, accompagnée d’une flambée tout aussi spectaculaire du prix des carburants, atténuée, heureusement, et pour le moment, chez nous, par un cours très élevé de l’euro par rapport au dollar. Mais pour combien de temps, tellement la pression des exportateurs européens est forte et pas forcément dénuée de sens car il faut, bien sûr, faire tourner les usines et donc écouler nos produits dans le monde entier !
D’autre part, un peu partout, les instances politiques de nombreux pays encouragent, par des mesures de défiscalisations ou de subventions, le développement des biocarburant dans l’espoir de faire baisser le prix à la pompe. Initiatives tout à fait louables ! Mais déjà, les premières fissures apparaissent : en 2006, le développement de la filière bio-éthanol des Etats-Unis a provoqué une hausse phénoménale du cours du maïs, entraînant, à son tour, une hausse des produits alimentaires à base de maïs, avec une première victime : le Mexique.
En Amérique Latine, le même développement des biocarburants a accéléré la déforestation massive dans des pays comme le Brésil, détruisant, ainsi, le circuit économique du commerce du bois déjà bien fragile dans cette région du globe. Sans parler des dégâts en termes d’écologie !
Le même phénomène est d’ailleurs également perceptible en Indonésie !
Dans les pays industriels qui ont soutenu massivement la production et le développement des biocarburants par des aides directes ou indirectes, le coût de ces politiques a un tel impact sur les prix des denrées alimentaires que cela provoque déjà de vives polémiques, allègrement reprises par la presse, notamment dans notre pays.
Alors où est la solution ?
Je ne prétends pas la connaître, mais je pense qu’il va certainement falloir faire des choix et se priver de quelque chose ! Mais rappelons-nous qu’en 1789, les Français se sont révoltés car ils voulaient du pain et un toit, alors pour la prochaine révolution, ils réclameront peut‑être du pain et du carburant.
Joël Carmona
Nourrir le monde en 2050
Les voies et les moyens pour accroître la production agricole mondiale
Tel était le thème de la séance de l’Académie d’Agriculture de France du 4 février et… la principale question était : serons-nous capables de relever le défi de nourrir les 9 milliards d’hommes que comptera la planète à cette époque ?
On sait qu’il faudrait pour cela doubler la production agricole à but alimentaire et que, l’accroissement potentiel des surfaces disponibles étant maintenant très limité, c’est sur l’amélioration des rendements que devra reposer l’essentiel de l’effort.
Côté technique, on sait comment faire (variétés, irrigation, engrais, protection des cultures), mais le problème est celui de l’extension à la plus grande partie possible de la planète des progrès dans ces domaines.
Sachant qu’il faudra veiller à ce que la diffusion des progrès scientifiques et techniques qui ont fait de nos agricultures de pays développés des « championnes » en termes de rendements, non seulement ne s’accompagne pas des externalités négatives locales (sols, eau, santé humaine, biodiversité) ou globales (GES) dont ils se sont révélés porteurs, mais contribuent autant que possible à les réduire.
Ce sera, déjà, en soi, très difficile et suppose la poursuite d’efforts de recherche importants pour reconstruire des systèmes de production adaptés.
Mais s’il faut y ajouter les difficultés d’ordre politique et économique qui ne manqueront pas de surgir du fait des égoïsmes des nations les plus développées et des entreprises multinationales qui ont prospéré en leur sein, des résistances aux changements dans de nombreux pays en développement et plus généralement de la très grande complexité des problèmes que pose cette évolution globale des mentalités, on peut difficilement être optimiste. Sans oublier les concurrences entre productions animales et productions végétales, et entre production alimentaire et biocarburants…
D’où les conclusions convergentes des intervenants de cette séance, résumées, très prudemment… ainsi : « le doublement de la production agricole d’ici 2050 reste incertain »…
J’ajoute pour ma part, avoir relevé plus particulièrement pour la SITMAFGR les chiffres suivants : 28 millions d’agriculteurs ont au moins un tracteur, 250 millions travaillent avec des animaux de trait et un milliard avec leurs bras. Ils sont, je trouve, particulièrement édifiants : ils donnent à la fois la mesure des écarts d’évolution qui existent aujourd’hui entre les types d’agricultures et celle des progrès qui restent à accomplir.
Et nous savons à quel point (cf. notre DVD… !) le rôle des agro-équipements est incontournable pour permettre l’accroissement des rendements évoqués ci-dessus.
Comment épandre des engrais, protéger ou irriguer efficacement des cultures sans équipements appropriés ?
Et comment, donc, faire autrement aujourd’hui qu’aider les agricultures peu développées à faire peu ou prou – rappelons-nous – ce que nous avons nous-mêmes fait hier pour moderniser les nôtres : prix garantis, aide aux investissements, adaptation des structures d’exploitations, etc. !
Conclusion, reprise dans celle du compte-rendu complet de cette séance (la présente note n’en est qu’un très modeste et partiel, voire partial, résumé…), dont je recommande à chacun la lecture en allant sur le site www.academie-agriculture.fr : « il faut dès maintenant obtenir une mobilisation des gouvernements qui devront faire de la production agricole une véritable priorité et donc dégager les très importants moyens financiers et humains indispensables à la réalisation de ce grand dessein ».
Jean-Claude Souty